Lettre à mon père (12) – Roland Bideau

Lettre à mon père (12)

Ceux qui prennent la place dans l’intérêt et l’affection de notre mère… Car, sinon, elle aime son troisième fils – ce jeune fils dont l’enfance est celle des peurs inavouées, y compris le refus d’aller à l’eau dans la piscine de Baden – se laisser aller, comme c’est difficile ; et est-ce que l’eau refusée n’est pas celle d’un refus in utero. Le refus de la mère, car la place est fortement occupée déjà, et le sera toujours ? Et plus tard, ce fils qui construira une névrose d’abandon – c’est le nom technique – Le refus du réel existant en est la conséquence, alors que seul le réel, le matériel peuvent nous guérir.

Se connaître, connaître son identité – pour cela, il faut l’amour des autres. D’autant plus qu’il nous en faut, de l’amour, il nous en faut de l’échange avec les autres, au lieu de cet isolement choisi : je joue dans la chambre d’Auffargis avec ce cadeau du frère de mon père – un tracteur Renault – seul ! Pourquoi cet instant de bonheur ? Parce que l’oncle Roger me fait un cadeau, tout sourires, sans arrière-pensée ? Tout comme les disques 33 tours , de la 9ème symphonie, offerts pour le succès au baccalauréat – encore Roger. Chez les Bideau, cela va de soi qu’on réussisse au bac – mais NON ! Ca ne va pas de soi !

Moi aussi j’ai refusé un jour à la Sorbonne : lors d’une dissertation de Littérature comparée, j’écris l’introduction – puis, plus rien. Songez-vous que cette dissertation, corrigée par M. Dedeyan, est un exemple typique. Vous admettrez que nous abordons là des zones pour le moins problématiques…

Un été dans le jardin, mon père s’approche de moi, et me dit : » Tu ferais surement un bon diplomate ». Pas de réponse du fils. Mais que veut dire ce compliment ?

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