Adeline Ribierre, écrivain : “La mission du farfadet”, chapitre 7

Suite du cadeau ! Une autre tendre histoire écrite par l’amie Adeline Ribierre et dédiée à ses quatre enfants. Adeline qui, rappelons-le, a publié plusieurs recueils que l’on peut (que l’on doit ;o) trouver ICI [clic !] ! Merci Adeline.

CHAPITRE SEPT

— C’est beau, ce que vous avez fait, dit une voix aiguë cassée par l’émotion.

Loa-Doa sursaute. Tout occupé à se frictionner avec du sable et des feuilles de menthe, il n’a pas remarqué que quelqu’un était là.   Il regarde autour de lui, mais ne voit personne.

— Non, c’est vrai, j’insiste. Pauvre grande bête. Les yétis ne font de mal à personne, et personne ne les aime. Alors que ce sont des créatures assoiffées d’amour. Quelle injustice.

La tête de Loa-Doa tourne comme une girouette au-dessus de l’eau vaseuse. Mais qui parle ?

— Par ici, sur la berge, dans le trou près du roseau, précise la voix.

Intrigué, le Farfadet patauge dans la mare jusqu’au roseau. En effet, il y a un trou, comme ceux des ragondins. La petite voix vient du Mare de la Dallonneriefond, mais il ne voit rien car il y fait noir.

— Excusez-moi, reprend le mystérieux habitant du trou. Je ne sors pas, j’ai la gorge enflammée.

— Ah bon ? Désolé pour vous. Mais c’est un peu humide, ici, et pas très bon pour les angines. Peut-être devriez-vous changer de trou ?

— Au contraire. J’ai la gorge vraiment enflammée. Tellement enflammée qu’il me faut souvent de l’eau, pour calmer tout ça, vous comprenez.

— Heu…

— Enfin bref, alors, voilà, bravo pour votre beau geste. La plupart des êtres sentent bon, se lavent, chassent la vermine de leur corps, donc ceux qui sont différents sont rejetés, isolés, méprisés. Ah, les gens, vous savez. Ils n’aiment pas la différence.

Loa-Doa se tord le cou et plisse les yeux pour essayer de voir qui est ce charmant interlocuteur. Malheureusement, il se cache bien.

— Au fait, pourriez-vous reculer un peu ? L’odeur, vous voyez… Je suis très sensible, et là, même avec le nez bouché…

Le Farfadet se pousse, vexé comme un pou de yéti.

— Eh bien, réplique-t-il, je croyais qu’il ne fallait pas rejeter quelqu’un à cause de son odeur « différente ». Si je vous dérange tant que ça, dites-moi donc comment on se débarrasse de ce truc, enfin, au cas où vous le sauriez. Parce que l’eau, le sable et la menthe n’ont pas l’air de suffire.

— Oh… Bien. Ne vous vexez pas, allons. Allez voir sur la rive opposée, là-bas. Il y a des saponaires, de la salsepareille et de la mélisse. Vous prenez les tiges et les feuilles, vous malaxez bien tout ça et vous vous frottez jusqu’à ce que le jus vire au mauve.

— Bon.

En effet, le remède à la puanteur du Yéti marche à merveille. Quel délice de respirer normalement !

— Merci, lance Loa-Doa. Au fait, qui êtes-vous ? Une souris ? Un ragondin ? Un lutin ?

— Hem… Non, ni l’un, ni l’autre, ni l’autre.

— Alors qui ?

— Vous ne connaîtriez pas une énigme ou une devinette, s’il vous plaît ?

— Pourquoi ?

— Juste comme ça. J’aime beaucoup les énigmes. Par exemple, qu’est-ce qui est immobile lorsqu’il fait froid, qui court librement quand il fait tiède, et qui s’envole quand il fait très très chaud?

— Heu… Mmmh… Voyons… Je ne sais pas, moi. Un écureuil volant, peut-être ?

— Ah ah ! Pourquoi pas ! Non, c’est un peu tiré par les cheveux, votre réponse. C’est L’EAU, tout simplement. L’eau sous forme de glace, de liquide ou de vapeur.

— Ah oui. Pas mal.

— Donc posez-moi une énigme. Si je trouve la solution, je reste caché. Sinon, je vous promets de me montrer.

— Vous savez, proteste le Farfadet en s’ébrouant au soleil, je n’ai pas vraiment le temps de jouer aux devinettes. J’ai une mission à remplir, moi !

— Ah bon ? Oh, désolé. Je ne veux pas vous retarder. Bon, eh bien bonne chance alors, allez remplir votre mission.

La voix semble déçue. Une idée vient à l’esprit de Loa-Doa.

— Dites-moi, vous qui aimez les énigmes… Tout compte fait, j’en ai une à vous proposer. Si vous trouvez la réponse, ça m’avancera beaucoup dans mes recherches.

— Ah oui ? Chic alors ! Je vous écoute.

— Voilà : qui est-ce qui aime les pierres précieuses, qui passe inaperçu, qui ne laisse pas de trace au sol et qui brûle les feuilles ?

— ….

— Eh bien ?

Un toussotement gêné sort du trou, accompagné… de quelques étincelles.

Ahuri, Loa-Doa se gratte le menton.

— Hé ! Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Hum, rien, rien, répond la voix. Je vous avais bien dit que j’avais la gorge enflammée.

— Bon, s’impatiente le Farfadet, alors, vous avez une idée de réponse ou pas ?

— Heu, oui.

— Chouette ! Je vous écoute.

— C’est-à-dire que ça ne m’arrange pas que vous le sachiez. Je préfère la garder pour moi. En tout cas, j’ai trouvé, donc je ne sors pas.

— Tricheur ! s’emporte Loa-Doa. C’est facile de dire que vous avez trouvé ! Qu’est-ce qui me le prouve, hein ?

— Allons, faites-moi confiance.

Loa-Doa sent la moutarde lui monter au nez. On se moque de lui, là-dedans. Sans crier gare, il bondit au pied du trou, enfonce son bras dedans et… attrape quelque chose de froid qui se tortille en glapissant :

— Nonnn ! Laissez-moi ! Vous n’avez pas le droit !

Loa-Doa tire… et ce qu’il voit dans sa main lui fait ouvrir si grand la bouche qu’il manque de se décrocher la mâchoire.

— Ah, ça alors, non mais ça alors !!! murmure-t-il.

Un commentaire sur “Adeline Ribierre, écrivain : “La mission du farfadet”, chapitre 7

  1. Après de logs jours de silence (pas de maladie mais de travail intense, je rédige la biographie d’une espionne)je reprends ma plume et surtout le délice de mes yeux, et… me voici de nouveau rendu à méditer les adorables histoires d’Adeline. Mais comment fait-elle pour nous charmer ainsi?
    MJM

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