MJ Masson : Souvenirs de gosse (12)

Notre grand reporter perrotin et d’ailleurs, d’ailleurs, nous fait le grand honneur d’une chronique de “souvenirs de gosse”. Les illustrations sont issues des trésors de Michel Jack auquel La fargussienne et ses lecteurs du monde entier adressent un chaleureux M.E.R.C.I !

Souvenirs de gosse (12) :

En face de chez nous, il y avait le château d’eau du village, je crois qu’il faisait environ trente cinq mètres de haut. Nous ne devions pas aller au pied de celui-ci car des plaques de chaux se détachaient parfois du pourtour du réservoir qui lui se trouvait à près d’une trentaine de mètres du sol et quand ça tombait c’était particulièrement dangereux, mais « têtes de mule et Cie » on y allait et, à l’aide des bouts de chaux tombés au sol, on inscrivait nos « pensées » sur la base de l’édifice.

Ce château d’eau a été cassé en 1976. La foudre était tombée dessus quelques années auparavant, et dans un immense éclair, toute l’installation électrique avait fondu.

À côté de chez nous, il y avait une cabane habitée par une dame qui ne supportait pas maman, c’était d’ailleurs réciproque, mais qui ne s’en prenait jamais aux enfants que nous étions. Elle avait un fils un peu plus âgé que nous et qui était mongolien (trisomique). Il était plutôt brutal dans ses gestes, mais quand on le connaissait bien cela ne posait pas de problème. Par contre sa mère était très dure avec lui.

Son prénom était André, mais lui se disait « Dudule pote », il était souvent en bottes de caoutchouc : des « zibouboutes » et faisait de la musique sur son « crin-crin », une vieille caisse de fer qu’il grattait avec un bout de bois jusqu’à l’avoir passablement usée et entaillée. Il ne faillait pas y toucher car alors il se mettait en colère. Finalement, on avait réussi à « l’apprivoiser » et il jouait souvent avec nous.

Dans notre campagne, les commerçants se déplaçaient avec leur camionnette pour vendre auprès des paysans. Ils arrivaient chacun à leur tour, à des jours différents pour la plupart, un petit coup d’avertisseur sonore et on allait à la voiture faire nos emplettes. Un jour, Dédé (Dudule pote), était venu avec sa mère jusqu’au camion et alors que cette dernière venait de commander : « deux yaourts pour mon Dédé », d’un geste rapide, il saisit les deux yaourts et couru vers la château d’eau, s’assit sur le rebords, sorti une petite cuillère qu’il avait glissée dans sa poche et dégusta les yaourts. Tout le monde se mit à rire, sauf sa mère, car on venait de comprendre qu’en fait ce n’était pas lui qui les mangeait d’habitude. Belle leçon !

Plus tard, sa mère décéda d’un accident postopératoire. Dédé la cherchant en pleurant, son père, excédé, lui dit : « ta mère est dans le trou ! ». Quelques heures après, impossible de retrouver Dédé, il avait disparu. On l’a cherché partout, pas de Dédé, même pas dans « le bois aux loups ». C’est nous, les gamins qui l’avons retrouvé, assis en pleurant au bord d’une petite mare derrière chez nous, juste après la rigole de drainage. En fait, cette mare avait été creusée par une bombe qui avait perdu son chemin en 1944 et que nous nommions « le trou de bombe ». Pour Dédé, c’était là le trou dans lequel se trouvait sa mère. Pauvre gosse !

À suivre…

Michel Jack Masson (12)

 

2 commentaires sur “MJ Masson : Souvenirs de gosse (12)

  1. Oh là là, quelle histoire touchante… Et si bien racontée. Pauvre garçon. Finalement les petits voisins qui voulaient bien jouer avec lui de temps en temps devaient être quelques uns de ses rares rayons de soleil…

  2. Après le décès de sa mère, c’est sa sœur qui l’a pris en charge et il a fait de très notables progrès: il faisait son lit tout seul, enlevait ses chaussures qu’il laissait sous la véranda quand il venait à la maison, il était même devenu capable de lire l’heure. Mais il y avait une raison… Dédé faisait tout cela car il aimait le poulet rôti, alors… !
    MJM

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